HORS-PISTES

J'ouvre les yeux. Le jour s'est levé et un courant d'air glacé me brosse le visage. La voiture est arrêtée sur le pont, toutes portes ouvertes. Je me redresse : Bruce est dehors, adossé au garde-fou, tête renversée, les yeux clos. J'attends un peu, puis je sors à mon tour. J'ai des fourmis dans les jambes après une nuit de route. Dehors, la lumière est vive, l'air sec et le ciel translucide semble solide comme un dôme. Respire - Bruce me parle à voix basse -, respire maintenant. La montagne. On y est.

À cet instant, un bourdonnement s'est déclenché au-dessus de nos têtes, a résonné entre les montagnes : une cabine de téléphérique est apparue, coulissant lentement le long du câble métallique. Ceux gui partaient en montagne rejoignaient les crêtes. Je leur ai fait un signe : bientôt je serai des leurs.

Il fait froid. Nous traversons la station pour aller prendre le téléphérique et atteindre le vieux chalet avant la nuit. Je regarde Bruce marcher devant moi : il a le pas sûr et souple, tient ses skis sur l'épaule d'une main et sa paire de bâtons de l'autre. Moi, je me sens gauche, confus : mes skis glissent, mes bâtons croisent et s'entrechoquent.

Cette nuit, sur la route, j'ai eu peur que Bruce me parle de mes parents, ses amis. Mais non, il m'a posé deux ou trois questions sur mon entrée au collège, si je m'étais fait des copains et si je continuais le foot. J'ai secoué la tête, non, et nous avons roulé en silence. J'ai dû m'endormir après Lyon.